Portrait de SLO #1, FC Nantes : « Aujourd’hui, on peut et on doit largement mieux faire. »

Alexis Boucard est référent-supporters au FC Nantes depuis un an et demi. Arrivé à son poste à un moment-clé de la mise en place de ce rôle nouveau, il a accepté de nous accueillir pour une heure d’entretien.


Bonjour Alexis, peux-tu nous expliquer ton parcours jusqu’à ce poste de référent-supporters au FC Nantes ?

J’ai suivi des études assez classiques (BTS NRC, Licence et Master en Management et Commerce). J’ai suivi des cursus en alternance tout au long de de mes études et j’ai passé ma dernière année en alternance à ce poste de référent-supporters au FC Nantes.  Sur un plan personnel, je suis né à Nantes et je suis supporter du club depuis que je suis gamin. C’est de père en fils. Je suis un malade de foot, je vis foot ! C’est aussi ce qui m’a mené à ce poste.

Justement, comment as-tu trouvé ce poste ? 

Ce n’était pas une annonce d’emploi publique classique sur du recrutement. Le club avait envoyé une annonce à ses groupes de supporters. Moi je ne faisais pas parti d’un groupe, personne de ma famille d’ailleurs. Mais une connaissance de mon père était dans un groupe donc j’ai découvert cette offre par ce biais. Je trouvais le poste intéressant et je cherchais une entreprise pour l’alternance de ma seconde année de Master. C’est comme ça que ça s’est fait et maintenant ça va faire un an et demi que je suis au club.

Qu’est-ce que ça signifie pour toi être référent-supporters? Quelle définition tu donnerais?

D’abord il y a la définition classique, celle de dire qu’on est la courroie de transmission entre le club dans lequel tu es salarié et les supporters au sens large (groupes de supporters, abonnés, supporters individuels qui viennent plus ou moins occasionnellement…). 

Si je peux aller un peu plus loin dans la définition du SLO, je dirais que c’est être l' »expert » supporters au sein du club, c’est un peu incarner le supporter pour son club et pour tous les interlocuteurs avec qui je traite (autorités, préfecture etc.) et être la personne qui représente le club pour les groupes de supporters. C’est être leur relais au quotidien, celui qui les aide dans leur activité associative tout simplement.

Tu as déjà un peu répondu à cette question mais tu ne te considères pas comme issu du « monde des tribunes » ? 

Je suis abonné depuis que je suis petit, j’allais au match en famille ou entre potes, j’ai fait plusieurs tribunes dans le stade. Mais je n’étais ni ultra, ni bénévole dans une association de supporters. J’étais l’abonné classique, fan du club, qui aime le foot et qui vient voir tous les matchs.

Comment tu as réussi à t’approprier un rôle qui était tout nouveau en France quand tu as commencé ? Sur quoi as-tu pu t’appuyer pour apprendre ? 

C’est vrai que je ne viens pas des tribunes mais je connaissais, en tant que supporter assidu, le contexte du club et la relation club-supporters au FC Nantes. Je n’étais pas passionné par le monde des tribunes, le milieu associatif ou le monde des ultras avant de prendre ce poste. Il m’a fallu un petit temps d’adaptation car c’est un monde qui a des codes, des particularités et il faut les connaître. Je me suis documenté sur internet, dans des bouquins ou auprès de potes mieux informés que moi. J’ai surtout appris tout au long de mon alternance, au quotidien, sur le terrain. C’est en pratiquant qu’on apprend le plus vite. Et au final, j’ai appris plein de choses et je me suis découvert une passion sur le monde des tribunes et c’est indispensable à mon poste d’en suivre l’actualité. 

Est-ce que tu as suivi des modèles ? Un référent-supporters de « référence » ? 

Non pas vraiment. Déjà quand j’ai commencé c’était tout nouveau en France. C’était encore totalement inconnu pour le grand public. Même moi je n’étais pas au courant de tout ce que ça représentait et j’ai appris au quotidien. A force de me documenter j’ai découvert les modèles allemands et scandinaves qui étaient bien plus développés mais je n’ai pas suivi un exemple particulier.

« Tu te rends compte qu’il y a des gens qui vivent pour leur club et c’est vraiment impressionnant. Beaucoup de gens n’arrivent pas à comprendre ça mais il faut s’y intéresser et il faut discuter avec ces gens-là pour les comprendre. »

Qu’est ce qui te plaît dans ce rôle et quelles sont les difficultés ? 

Ce qui me plaît c’est justement lié à la complexité du poste. Le référent-supporters il a le cul entre deux chaises avec d’un côté son club qui a ses obligations et impératifs de club et qui ne fait pas toujours ce que les supporters voudraient. De l’autre côté, il y a les supporters qui ont des attentes par rapport au club auxquelles ce dernier ne répond pas forcément. Donc il faut réussir à satisfaire ces deux parties mais il n’y a pas que ces deux parties au final. Notamment, il y a les autorités donc on a même le cul entre trois chaises !

Il y a un vrai côté « challenge » qui me plaît car quand on s’intéresse au monde des tribunes et à la gestion du supportérisme en France, on voit qu’il y a un énorme boulot à faire. Le fait de participer à améliorer et à construire une vraie politique autour du supportérisme en France c’est un superbe challenge, c’est à la fois très intéressant mais aussi difficile. 

Plus concrètement, ce qui est intéressant dans ce métier c’est qu’on touche à tous les services du club. On travaille avec la billetterie, la partie commerciale, le service sécurité, le marketing, la fan experience, la communication… En tant que référent-supporter, et c’est ça qui est plaisant, c’est qu’on traite de nombreux sujets avec plusieurs services du club et c’est donc très enrichissant. Ce métier il consiste à faire des rencontres, à la fois en interne au sein des clubs mais aussi auprès des supporters. Tu te rends compte qu’il y a des gens qui vivent pour leur club et c’est vraiment impressionnant. Beaucoup de gens n’arrivent pas à comprendre ça mais il faut s’y intéresser et il faut discuter avec ces gens-là pour les comprendre.

Et concernant les difficultés ? Tu ressens une évolution par rapport à tes débuts ? 

C’est surtout le fait d’être au milieu de toutes ces parties prenantes qui ont des attentes qui sont différentes et essayer de faire en sorte que tout le monde soit satisfait et que tout le monde travaille dans le respect. C’est ce qu’il y a de plus difficile. 

Ça fait un an et demi que je suis en poste. Ma première année a été difficile parce qu’on a ici à Nantes un contexte qui est complexe depuis plusieurs années, que tous ceux qui suivent un peu le club connaissent. Les débuts ont été difficile mais ça va beaucoup mieux depuis le début de saison. J’ai eu la chance d’avoir des personnes au club qui ont vraiment pris en compte le fait que le SLO était important, et on a pu mettre en place plein de choses et je ne suis pas tout seul à avoir compris et agit en ce sens. Ce ne sont pas des choses immenses ou compliquées mais plutôt des choses simples mais qui me rendent la tâche plus facile. Cela permet aujourd’hui de meilleures relations entre les groupes de supporters et le club. 

Selon toi, que faudrait-il améliorer pour faciliter le rôle du référent-supporters ? Que ce soit au niveau local ou national. 

Plein de choses ! Il y a plein de choses à améliorer. Il faut déjà que tout le monde, tous les clubs prennent conscience de l’importance du rôle. Il faut trouver le bon profil, adapté à chaque contexte. Tous les clubs ont intérêt à trouver ce profil, ces qualités et compétences en phase avec la situation. Au final, les supporters attendent avant tout une prise en considération. Ils attendent de l’écoute et du respect de leur club. Après il y a des situations plus compliquées que d’autres mais en commençant par ça, on avance déjà. Je pense que cette prise de conscience de l’utilité du rôle de référent-supporters est quelque chose qui peut être amélioré dans les clubs.

« Aujourd’hui, on peut et on doit largement mieux faire. »

Localement comme nationalement, il y a plein de choses à faire concernant la gestion des supporters avec les autorités. Grâce aux travaux de différents acteurs (ANS, INS…), il semble y avoir une amélioration. Après c’est un peu particulier, parfois on a l’impression de faire un pas en avant et dix en arrière, surtout sur des situations qu’on peut totalement éviter donc ça peut être décourageant. Il y a encore beaucoup à faire mais pour moi, tout passe par le dialogue et la confiance mutuelle et ça doit être pris en compte par toutes les parties prenantes. Aujourd’hui, on peut et on doit largement mieux faire. 

Comment tu pourrais expliquer à quelqu’un qui connaît peu le poste que tu occupes ? On ne peut pas te demander une journée type car il ne doit pas y en avoir mais quelles sont tes missions principales ?

La mission centrale c’est gérer la relation entre les supporters (principalement les groupes) et le club. Concrètement, c’est accompagner les supporters dans leur activité de bénévoles. C’est préparer à leurs côtés leurs venues au stade lors des matchs à domicile pour les animations ou préparer les déplacements. C’est aussi répondre à leurs attentes, ça peut être des choses toutes bêtes mais quand une association veut un parrain, parler à un joueur etc. Je pourrais te sortir la fiche de poste mais elle est plutôt longue (rires).

L’activité tourne autour des matchs donc il faut gérer la communication et le traitement des demandes autour des matchs. Il y a aussi une partie événementielle très intéressante avec l’organisation de la journée des supporters, le tournoi des supporters ou la soirée des abonnées. Je participe aussi en interne à la préparation des matchs à domicile (sécurité, communication, marketing, billetterie…). Concernant les préparations de déplacement, on travaille avec les autorités, avec les clubs adverses pour gérer les détails d’organisation. En jour de match, je suis plutôt le relais des groupes les plus actifs car c’est leur spécificité d’animer les tribunes donc c’est avec eux qu’on travaille le plus en jour de match.

Combien de groupes de supporters accompagnes-tu ? As-tu une idée du nombre de supporters que ça représente ?

À Nantes on a 15 groupes de supporters. Concrètement on en a 4 qui sont très actifs, qui sont de grosses associations structurées. Les autres sont moins importants et ont des besoins plus occasionnels. C’est difficile d’estimer le nombre de mais ça doit représenter 1000 à 2000 supporters.

Est-ce que tu travailles avec les associations de supporters en situation de handicap ?

Il y en a une à Nantes, les Rolling Stars. C’est une association comme une autre mais qui gère la billetterie et les accès PMR en jour de match. On travaille beaucoup avec eux et ils organisent aussi des événements comme les autres groupes.

Comment tu arrives justement à coordonner ton activité avec les différents types de groupes (actifs, traditionnels…) ?

C’est vrai que c’est complètement différent selon le groupe car les demandes et besoins ne sont pas les mêmes. Le travail avec le groupe ultras actif est différent du travail avec les autres associations. C’est normal car ce sont eux qui se déplacent le plus en nombre et qui animent à domicile aussi donc ça demande plus de temps. Les déplacements c’est ce qui prend du temps aussi car il y a beaucoup de parties prenantes  (autorités, club hôte et club visiteur, sécurité…). Je parlais de profil tout à l’heure et je pense que la capacité d’adaptation est une compétence essentielle car le travail peut vraiment varier et nous devons traiter avec énormément d’interlocuteurs… .

Il faut aussi prendre prendre en compte les différents types de supporters, il n’y a pas qu’un type de supporters. Je respecte toutes les façons de supporter, qu’elles soient plus ou moins actives. Il n’y a pas qu’une seule manière de supporter son club et son équipe.

Tu as participé à une exchange visit du programme LIAISE en Suède, est-ce que tu peux nous en dire plus et nous donner ton avis sur le travail des SLO suédois et sur l’organisation des matchs ? 

C’était une expérience vraiment enrichissante. L’idée c’était d’aller voir le travail des référents-supporters en Suède, notamment sur un jour de match. On a assisté à Malmö-Goteborg. J’ai retrouvé dans le travail des SLO suédois des éléments de mon travail, que ce soit dans leur comportement, leur activité, leur positionnement pendant le match. En revanche, on est quand même loin en France de ce qu’ils font en déplacement. On était sur un gros match, un derby même et on a pu voir arriver 700 supporters de Goteborg en train. 1500 supporters visiteurs étaient attendus Ils avaient un train pour eux, une partie de la gare était fermée uniquement pour faciliter leur sortie et ils ont pu rejoindre une place pour passer la journée en ville. Il y a eu des moments de tensions mais ça c’est inévitable dans un contexte de foule réunie.

Ce que j’en ai tiré comme conclusion c’est qu’en Suède, et contrairement à ce qu’il se passe en France, ils savent très bien qu’il y a beaucoup de supporters actifs et ultras, que ça ne se passe pas toujours bien. Néanmoins, ils ont accepté cela et ils essayent de faire avec. Ils ne sont pas dans le tout répressif. Ils vont accepter que le déplacement se fasse avec les petits soucis qu’on peut rencontrer sur ce type de déplacement et ce n’est pas pour autant que globalement ça va mal se passer. Il y aura peut-être des tensions mais finalement, le match va bien se dérouler et chacun va rentrer chez soi malgré quelques frictions et ça se passera globalement bien.C’est la principale différence avec la France.

Au final, la différence principale se situe dans la gestion et l’organisation des autorités plus que dans les missions du référent-supporters ? 

Oui complètement. Après il y avait quand même une grosse différence. Il y avait beaucoup de supporters de Göteborg se déplaçant donc le club avait mis en place plusieurs SLO. Ils étaient 3 dont un permanent qui tient ce rôle à temps plein. Les deux autres sont là sur les gros déplacements, en renfort. Ce n’est pas quelque chose qu’on voit en France, 3 SLO, même sur un match avec beaucoup de supporters. Quand on va à Paris la saison dernière en Coupe. 2000 nantais et j’étais tout seul. Et même si les agents de sécurité sont là pour nous aider, ce n’est pas leur mission principale. On sent que le poste est plus développé là-bas mais ils ont commencé il y a plus longtemps. 

Avoir des référents-supporters ponctuellement (bénévoles ou non) comme en Suède ça te semble être une bonne idée sur les gros matchs ? 

Complètement ! C’est logique mais un référent-supporter tout seul un jour de match avec 1000 supporters, il peut difficilement tout gérer, c’est quasiment impossible. Pour désamorcer des situations ou tensions avec les forces de l’ordre et supporters par exemple, le fait d’être plusieurs permet de se décupler et de couvrir tous les supporters et toutes les tensions qu’on peut voir. 

Si tu étais dans un monde idéal, comment se déroulerait un déplacement parfait ? De l’organisation au jour J. 

L’idéal ce serait des conditions de déplacement définies et définitives 3 semaines avant le match. Ce délai il permet à tout le monde de s’organiser et en particulier aux supporters. Ça commence tout bêtement par la date du match. En France on a une programmation des rencontres tardive et ça conditionne l’organisation. J’ai un exemple tout bête mais on joue à Rennes le week-end du 1er février, on est le 16 janvier, on n’a toujours pas la date du match. Or, les conditions de déplacement sont complètement différentes si le match se joue le vendredi soir, le samedi après-midi ou soir ou le dimanche. Donc idéalement, une date de match et des conditions de déplacement 3 semaines à l’avance pour ensuite en informer les supporters. Moi je fais un mail à tous mes groupes de supporters, au minimum 2 semaines avant le match et c’est à peine suffisant. 3 semaines serait l’idéal. 

Après, le foot moi je vois ça comme une fête donc les conditions idéales c’est que tout le monde puisse accéder au stade librement. Cet exemple est souvent pris mais il faudrait que le supporter expatrié qui habite à Saint-Étienne, le jour d’un ASSE-FCN, il puisse accéder au parcage sans faire un détour pour rejoindre un bus affrété par le club. Déjà ce sont des coûts en plus pour tout le monde et ce sont surtout des contraintes. C’est dommage de ne pas pouvoir permettre à des familles d’aller directement au stade pour aller voir un match de foot.

Pour nuancer, je dirais que c’est parfois justifié parce qu’il y a eu des problèmes parfois avec les supporters et tout n’est pas rose. Mais les conditions idéales, ce serait que tout le monde puisse aller au stade facilement, que tout le monde puisse accéder à la tribune sans contrainte et puisse rentrer chez lui sans problème. Aussi, ce qui est important et qu’on ne voit pas souvent aujourd’hui, c’est que dans un déplacement idéal, les forces de l’ordre feraient confiance au référent-supporters et aux supporters aussi. Il faudrait que le rôle de SLO soit bien implanté dans la tête de chacun et que ça facilite la communication. Je le dis souvent mais tout passe par le dialogue, on peut tout arranger par le dialogue et même si c’est parfois compliqué, il faut que chacun y mette du sien. On peut résoudre plein de situation par la communication et le dialogue.

Comment convaincre un club, les autorités, un supporter, un préfet, que le rôle du référent-supporters est important et qu’il faut l’écouter ? 

C’est compliqué, compliqué… Mais je me mets aussi à leur place, ils doivent se demander pourquoi ils devraient faire confiance à quelqu’un qu’ils ne connaissent, qui est référent-supporters. Pour eux, il y a le mot « supporters » dedans donc c’est ambigu. C’est difficile de convaincre et pour réussir, il ne faut pas être esseulé dans son club. Il faut avoir l’appui du directeur sûreté-sécurité, des personnes qui ont des postes plus anciens, plus reconnus au niveau des autorités. Il faut avoir cet appui pour peser dans la balance. Le référent qui part seul, à la bataille, qui part militer pour ses supporters tout seul, contre les autorités, contre une préfecture, c’est très compliqué.

La première étape c’est de convaincre son club et une fois que c’est fait, aller négocier avec les autorités, apporter des garanties. C’est aussi pour cela qu’il faut être respecté par ses supporters. C’est la complexité du poste, on peut apporter des garanties mais ce que je dis souvent aux autorités c’est que le 100% n’existe pas. Ce n’est pas pour autant que sur un match avec risques avérés, s’il y a quelques frictions, il faut tout remettre en cause et que la saison d’après le déplacement sera interdit et qu’il ne faut pas laisser les supporters se déplacer. 

Je pense aussi qu’il y a parfois une méconnaissance totale de ce monde parmi les autorités. Cela va amener à prendre des précautions pas forcément justifiée ou beaucoup répressive. Il y a un juste milieu à trouver entre encadrement et liberté. Et aujourd’hui en France, on ne l’a pas.

C’est ta deuxième saison à ce poste. Est-ce que tu ressens une différence par rapport à tes débuts concernant la reconnaissance du rôle ? 

Entre clubs, il y a une réelle évolution. Avec les autorités c’est plus compliqué. Ce ne sont pas toujours les mêmes personnes qui sont présentes sur les rencontres. Je me souviens de mes premiers matchs, j’avais parfois l’impression de ne servir à rien ou de ne pas m’écouter, et c’est encore le cas parfois. D’ailleurs, on ne me sollicitait pas pour avoir des infos. C’est nettement mieux aujourd’hui, on a rattrapé le retard qui avait été pris mais ça reste compliqué en fonction de l’interlocuteur. La circulaire du Ministère de l’Intérieur me paraît utile à ce sujet et je pense qu’elle peut vraiment nous aider.

Le cas de Nantes est particulier mais pas unique, explique nous comment être SLO quand les supporters sont en conflit avec la direction du club. Plus généralement, comment tenir son rôle quand certaines parties prenantes s’opposent frontalement ?

C’est vrai que la situation de Nantes peut se retrouver dans plusieurs clubs. L’avantage pour moi c’est que je connaissais le contexte quand je suis arrivé. D’ailleurs ça renvoie à la première question sur le profil du SLO, en fonction du contexte il ne faut peut-être pas forcément quelqu’un issu des tribunes. En revanche, il faut quelqu’un qui connaisse le contexte du club dans lequel il arrive. Je suis arrivé un peu naïvement auprès des supporters pour me présenter mais en rappelant que je connaissais le contexte depuis toutes ces années… 

Ce que j’essaye de faire, c’est la même chose qu’avec les résultats sportifs. Les résultats sportifs ça peut conditionner la relation que tu as avec les supporters et moi je veux détacher ma relation avec eux de ces résultats mais aussi du contexte conflictuel avec le club. Détacher ces deux données, ça permet de maintenir une relation et que même le jour où ça va mal, il reste un dialogue et une relation pérenne. Au minimum un dialogue. Ce qui est essentiel c’est l’honnêteté et la franchise. Il faut savoir se dire les choses. Quand je ne suis pas d’accord avec eux, je leur dis, on en discute, on reste en désaccord mais au moins on en discuté. Il faut montrer que tu as envie d’avancer avec eux en dehors de ce conflit direction/supporters pour travailler sereinement. Mais dans ces contextes particuliers, la variable c’est le temps parce qu’il est nécessaire pour établir la confiance. Pour moi c’est plus simple aujourd’hui qu’il y a un an.

Comment s’établit la relation entre le directeur sûreté-sécurité et le référent-supporters pour ne pas empiéter sur les missions de l’autre ? 

Il faut réussir à trouver un juste milieu. Le DSS doit avoir la main sur la sécurité même si on peut en discuter. Comme avec les supporters, on n’est souvent pas d’accord mais in fine c’est lui qui prend les décisions. Je pense que l’arrivée du référent-supporters a été bénéfique pour eux parce qu’avant, une bonne partie des DSS gérait la relation avec les supporters. Le problème c’est que c’est contradictoire puisque son rôle premier ça reste de faire respecter les règles et de sanctionner quand elles ne sont pas respectées. Difficile de sanctionner et de dialoguer dans le même temps.

En tant que référent-supporters, j’ai un rôle de prévention, je ne suis pas là pour sanctionner mais pour éviter la sanction. Il est important que les supporters le comprennent bien pour établir une bonne relation. Finalement, nos rôles sont complémentaires et quand ça se passe bien, on se facilite mutuellement la tâche. Mieux je vais faire mon travail, moins il aura de boulot. Lui il est content et moi aussi et on évite les sanctions qui ne plaisent à personne. 

J’ai entendu l’autre jour à la radio un journaliste qui disait que c’était à cause des clubs qu’il y avait des fumigènes dans les stades et que les clubs ne faisaient pas leur boulot. Mais c’est compliqué pour un club de dialoguer avec ses supporters sur ce sujet. D’un côté on va lui demander de sanctionner ses fans sauf que si on sanctionne, les supporters nous le reprochent. Nous on est entre les deux, entre dialogue et sanction et c’est un équilibre à trouver.

Quel est ton avis justement sur ce sujet des fumigènes ?

C’est quelque chose de compliqué. Comme la Ligue le dit c’est interdit, c’est écrit noir sur blanc. Je pense que ça reste dangereux, mais combien il y a de blessés, ça personne ne le sait. Bien sûr, ça fait partie de la culture ultra et tout le monde trouve ça joli, ça ne fait aucun doute mais ça reste interdit. Est-ce que partir sur un encadrement des fumigènes, ça conviendrait à tous les groupes de supporters ultras ? Non. Chaque groupe aura un avis différent sur le sujet, le degré d’acceptation de cette solution sera très variable.

Je ne pense pas que ce soit une solution totale au problème mais c’est un début.  Le problème c’est aussi de sanctionner le club qui se retrouve au milieu d’une opposition entre supporters et instances. D’un point de vue « club » en tout cas c’est compliqué parce que tout le monde se renvoie la balle. L’équilibre pour le club entre sanctions des consommateurs de fumigènes et dialogue est compliqué à trouver…si demain nous portons plainte contre nos supporters, forcément cela ne va pas leur plaire, de l’autre côté, si vous ne le faites pas, les amendes sont plus importantes pour les clubs. C’est un choix (difficile et délicat) à faire.

Comment se passe ta relation avec les SLO des autres clubs ?

On est surtout en relation lors des rencontres de nos clubs. Il y a beaucoup de profils différents et ce serait une bonne idée de mieux développer notre relation pour apprendre des autres, échanger des bonnes pratiques. C’est nécessaire pour construire notre métier autour de nos cultures tribunes.

Penses-tu que les relations supporters/autorités peuvent s’améliorer avec comme conséquence une diminution des interdictions et restrictions de déplacement ? Comment faire mieux ? 

Je pense que la circulaire envoyée aux préfectures peut paraître anodine mais il faut noter que c’est important. C’est la preuve qu’un travail est fait entre instances et supporters qui se regroupent au sein de l’ANS notamment.  Comment faire mieux ? Aujourd’hui, nombreuses sont les situations compliquées qu’on pourrait éviter avec une meilleure anticipation. Pour cela, chaque acteur doit prendre au sérieux son rôle, notamment concernant les déplacements.

L’élément central pour moi et je l’ai beaucoup répété, c’est le dialogue. Il reste encore des clubs qui ne font pas correctement leur boulot dans la préparation des déplacements. Je ne dis pas qu’on est un exemple à Nantes mais tout le monde peut faire mieux en dialoguant. Ça peut sembler banal comme réponse mais tout passera par la communication. Chaque partie doit faire un pas vers l’autre et on doit faire confiance et autoriser. Si jamais ça ne se passe bien, peut-être qu’on reviendra à un modèle plus répressif mais on doit tenter. 

Pour résumer, tu pourrais citer quelques qualités/compétences indispensables pour être référent-supporters ? 

Je vais commencer par la capacité d’adaptation. On doit faire face à des interlocuteurs très différents et il faut savoir s’adapter. On ne s’adresse pas de la même manière aux autorités, à des supporters ultras, à des supporters classiques, à un dirigeant de club… 

Il faut aussi s’adapter à la situation. Cela rejoint une deuxième caractéristique qui est l’empathie, savoir se mettre à la place des autres acteurs et tenter de comprendre ce qu’ils ressentent. 

Ensuite, il faut faire preuve de transparence, de franchise. Il ne faut pas hésiter à dire ce que tu penses. C’est indispensable. Enfin, je pense qu’il est important d’être force de proposition pour ne jamais subir et anticiper.

« Je n’ai pas de conseils à donner mais les dirigeants doivent avoir conscience que si demain tu prends un club de foot et que tu as dirigé d’autres entreprises avant, tu dois avoir à l’esprit que ce n’est pas comme ailleurs. Ce n’est pas comme une start-up qui fait de l’import-export. C’est bien plus que ça. »

Une petite question relative au « sport-business » et à la « fan experience » pour terminer. Est-ce que tu as un rôle à jouer à ce niveau ? Un avis ou des conseils à donner au sein de ton club ? 

Pour moi, les supporters et le foot c’est lié. L’un n’est rien sans l’autre. Dans un stade, il faut une ambiance et les joueurs aussi kiffent ça je pense, entendre les mecs qui gueulent, qui poussent derrière. Pareil quand tu es téléspectateur tu regardes aussi pour l’ambiance. C’est sur que tu le Real Madrid, si tu n’as pas de supporters, le jeu est incroyable donc le mec qui kiffe le foot il va regarder. Mais sur des clubs comme nous en Ligue 1 où le niveau de jeu n’est pas le même, l’ambiance elle est indispensable.

Néanmoins, il faut l’avoir à l’esprit, les clubs aujourd’hui fonctionnent comme une entreprise. Après, je le dis souvent en interne, un club de foot est là pour dégager des bénéfices, ça en fait une entreprise lambda mais dans les faits c’est une entreprise très particulière et différente des autres. Je n’ai pas de conseils à donner mais les dirigeants doivent avoir conscience que si demain tu prends un club de foot et que tu as dirigé d’autres entreprises avant, tu dois avoir à l’esprit que ce n’est pas comme ailleurs. Ce n’est pas une start-up qui fait de l’import-export. C’est bien plus que ça.

Concernant la fan experience, je sais que certains supporters n’en sont pas fans. Après moi je respecte la diversité des tribunes et toutes les manières de supporter. La fan experience se développe et même s’il n’y a pas que des bonnes choses mais c’est important. Quand tu fais venir les gens au stade, proposer des animations d’avant-match pour les familles c’est très intéressant et c’est aussi mon rôle. Ça fait partie du développement de la culture supporters de fidéliser dès le plus jeune âge et transmettre le goût du club. 

Il faut se concentrer particulièrement sur les abonnés, c’est essentiel. Ils doivent être considérés, avoir des avantages en particulier sur les tarifs mais sur plein d’autres choses aussi car c’est une base solide qu’il faut pérenniser pour un club. En résumé, un club de foot est une entreprise et doit dégager du bénéfice mais ce n’est pas tout, il y a beaucoup d’autres facteurs qui rentrent en compte et qui sont indispensables.